Interviews

« Ce sont des interviews de figures intéressantes qui colorent notre société. »

"Je suis heureuse qu'en tant que directeur artistique, je sois non seulement un ambassadeur de la scène artistique congolaise, mais aussi que d'autres artistes africains fassent appel à mon expertise.                     ​Ôdewa

"Dans mon art, j'essaie entre autres de représenter les pensées de mes ancêtres. Que se passait-il dans leurs esprits ?"               

Diane Stordiau

"Pour nous, étudiants d'origine congolaise, ce n'est pas toujours très facile. Mais on se débrouille : 'l'article 15', vous voyez ?"     

Benjamin

Interview entre Apollinaire (ASBL Twende) et l’artiste-curatrice Ôdewa, fondatrice de mÂon Art Plus

photo: Twende

Présentation d’Ôdewa et de mÂon Art Plus

Ôdewa, artiste et curatrice active depuis 2006, est une figure multidisciplinaire qui a exposé dans divers lieux, des musées à la rue. En 2023, s'appuyant sur son expérience et pour pallier le manque de visibilité et de financements des artistes, elle a fondé mÂon Art Plus.

Cette plateforme collective et inclusive a pour but de soutenir et promouvoir les artistes professionnels, notamment ceux afro-descendants, tout en étant ouverte à tous. L'approche est non-exclusiviste : elle vise à offrir une alternative aux circuits artistiques traditionnels (galeries, institutions) pour créer un espace d'expression libre où la qualité et la singularité des œuvres sont la priorité.                                                www.maonartplus.com

Apollinaire  (ASBL Twende) : Comment avez-vous commencé votre parcours artistique ?
Ôdewa  : Par hasard, en 2006. J’avais une boutique de décoration, et un jour j’y ai accroché une toile que j’avais peinte. Un amateur d’art est passé, m’a encouragée à exposer… et depuis, je n’ai jamais arrêté.

Apollinaire  (ASBL Twende) : Comment avez-vous commencé votre parcours artistique ?
Ôdewa  : Par hasard, en 2006. J’avais une boutique de décoration, et un jour j’y ai accroché une toile que j’avais peinte. Un amateur d’art est passé, m’a encouragée à exposer… et depuis, je n’ai jamais arrêté.

Ap: Qu’est-ce qui vous a amenée à créer mÂon Art Plus ?
Ôdewa  : J’ai vu à quel point il est difficile pour les artistes, surtout afro-descendants, d’accéder à certains lieux d’exposition. Pourtant, la qualité d’une œuvre ne dépend pas d’une galerie. J’ai voulu créer une plateforme ouverte, où les artistes peuvent être vus et exister en dehors des circuits traditionnels.

Ap  : Quelle est la philosophie de votre plateforme ?
Ôdewa  : L’ouverture. mÂon Art Plus a un coup de cœur pour les artistes afro-descendants, mais elle n’est pas réservée à eux. Je refuse d’enfermer les artistes dans une case. L’art contemporain est libre, il ne demande pas de pièce d’identité.

Ap  : Quelles difficultés rencontrent le plus vos artistes ?
Ôdewa  : Le financement. Produire, transporter, installer une œuvre représente un vrai défi. L’artiste assume souvent tout seul, alors que son travail profite à la collectivité. Mon souhait est de trouver des solutions pour mieux les soutenir.

Ap  : Vous êtes perçue comme une ambassadrice de "l’art libre". Comment voyez-vous ce rôle ?
Ôdewa  : Je ne parle pas au nom des autres, chaque artiste s’exprime pour lui-même. Mais si j’ai l’opportunité de relayer nos besoins et de rappeler l’importance de l’art, je le fais avec plaisir. Ce n’est pas une cause individuelle, mais collective.

Interview : L'Imaginaire comme Source de Puissance – Avec l'Artiste Diane

photo Twende

L'artiste Diaaane est née à Kinshasa et a grandi à Bruxelles. Elle peint depuis environ huit ans en utilisant uniquement le prénom Diane (avec trois 'A').

Son travail actuel se concentre sur l'exploration de ses archives familiales, en particulier des photos de sa mère dans les années 80 à Kinshasa. Elle cherche à imaginer les rêves et aspirations de sa mère en tant que jeune femme.

Diane intègre beaucoup de végétation dans ses peintures, qu'elle utilise comme symbole de la protection culturelle, des valeurs ancestrales et de l'ancrage.

L'artiste utilise son art pour questionner son héritage et la manière dont les influences extérieures (notamment la colonisation et la religion) ont impacté et transformé les croyances et traditions. Elle vise à déconstruire ces héritages et encourage le public à faire de même avec sa propre histoire.

En substance, Diane utilise son histoire personnelle comme un point de départ pour une réflexion plus large sur l'identité, les traditions et la transmission culturelle.

Apollinaire deTwende (A.d.T.) : Bonjour Diane. C'est fantastique de pouvoir nous entretenir avec vous de votre travail et des pensées profondes qui le sous-tendent. Beaucoup de gens connaissent vos peintures, mais nous sommes curieux de connaître le cœur de votre pratique. Pourriez-vous commencer par décrire votre processus artistique ? Par où cela commence-t-il pour vous ?

Diaaane (D.) : Bonjour, Apollinaire. Cela commence toujours par une image qui me touche vraiment. Cela peut être une couleur, une composition, ou simplement une impression puissante. Cette image évoque immédiatement un concept ou une idée en moi, une question qui doit être posée.

Le Processus Artistique : De l'Image à la Toile

A.d.T. : Vous commencez donc par un sentiment, une idée. Comment le traduisez-vous ensuite sur la toile ? Est-ce une esquisse directe ?

D. : Absolument pas. La première phase est purement numérique. J'utilise l'image originale pour créer des collages numériques. Je choisis différentes photos et les combine pour former quelque chose de complètement nouveau. Parfois, et c'est un élément important, je fais appel à l'intelligence artificielle (IA). L'IA modifie alors mon collage et crée ainsi une nouvelle image encore plus surprenante. Ce n'est que lorsque cette image numérique est parfaite que je commence à peindre.

A.d.T. : Vous ne visez donc pas une représentation réaliste de la réalité.

D. : Exactement. Mon objectif n'est pas le réalisme. C'est le rôle de la photographie. Pour moi, il s'agit de l'histoire et de la symbolique derrière cette nouvelle image. Je ne veux pas faire une copie ; je veux emmener le spectateur dans la question ou le sentiment que le symbole provoque.

Inspiration et la Force de l'« Imaginaire »

A.d.T. : Au-delà du processus visuel, je lis que vous êtes profondément inspirée par des penseurs, en particulier le penseur sénégalais Felwine Sarr. Comment sa philosophie influence-t-elle votre travail ?

D. : Sarr est crucial pour moi. Il affirme que le changement et la transformation dans la société – qu'il s'agisse de briser les mentalités coloniales, l'inégalité, ou d'améliorer la position du continent africain – commencent dans l'imaginaire.

A.d.T. : L'imagination, donc.

D. : Exactement. Il faut d'abord pouvoir penser de nouveaux avenirs et de nouvelles perspectives avant de pouvoir les manifester dans la réalité. Les arts – la peinture, l'écriture, la musique – ont le devoir d'offrir ce nouvel imaginaire. J'applique cela en représentant, par exemple, un passé fantasmé et différent ou d'autres rêves pour les membres de ma famille. J'imagine une possibilité alternative.

La Fonction de l'Art : Réparation et Consolation

A.d.T. : Cela nous amène à la fonction la plus profonde de votre art. Vous mentionnez la réparation et la consolation. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

D. : Pour moi, l'art à mon échelle est une manière de guérir. La vie réelle connaît des injustices et des difficultés. En créant dans mes peintures une histoire alternative et guérisseuse – par exemple, un résultat différent ou un rêve plus grand pour mes ancêtres – j'essaie de réparer ces difficultés.

A.vdT. : Donc, votre atelier est un lieu de guérison, un lieu de consolation ?

D. : Précisément. La fonction est de poser des questions, d'offrir de la consolation et surtout de réaliser cette réparation. C'est une réponse créative aux lacunes de la réalité.

A.d.T. : Diane, merci beaucoup pour cette conversation éclairante. Votre travail est clairement plus que de la simple peinture ; c'est un outil puissant pour l'inclusivité, la critique et la transformation en redéfinissant l'imaginaire.

D. : De rien. C'est un honneur de pouvoir partager ma vision.

Interview entre Apollinaire (ASBL Twende) et l’artiste Alexia Waku